Idriss Deby Itno est arrivé hier à Khartoum, où l’attendait son voisin et antagoniste de longue date, Omar El-Béchir. Un déplacement qualifié d’historique par bien des observateurs, qui y voient l’amorce d’un processus de paix entre deux Etats hostiles.
Il faut dire en effet que depuis 2004, époque de la dernière visite du président tchadien à son homologue, le climat entre les deux capitales avait clairement viré à l’orage, voire à la tempête. N’djamena accuse Khartoum de soutenir les rebelles du Front uni pour le changement (FUC) ; tandis que de l’autre côté de la frontière on reproche au voisin d’aider les rebelles du Darfour.
Une ambiance délétère qui, sur le terrain et pour le plus grand malheur des civils peuplant la bande frontalière, s’est traduite en scénario de western. C’est ainsi que de part et d’autre, on a vu des hordes de desperados enturbannés se lancer dans des raids meurtriers, ne laissant sur leur passage que ruines et désolation. Selon l’ONU, cette guerre civile complexe opposant mouvements rebelles, forces gouvernementales et milices aurait fait 300 000 morts et des millions de déplacés.
Et pour tenter de mettre fin à cette guerre par rebelles interposés, Idriss Deby Itno et Omar El-Béchir ont signé une demi-douzaine d’accords de paix, violés quelques fois avant même d’avoir atteint le stade de mise en œuvre.
Aujourd’hui, un nouveau chapitre semble sur le point de s’ouvrir pour les voisins ennemis, avec la visite du président tchadien à son homologue soudanais. Un premier pas vers une normalisation des relations entre les deux pays, qui, de part et d’autre, passera par le sacrifice des mouvements rebelles sur l’autel de la paix.
Ainsi espère-t-on qu’après le lâchage de ces intermédiaires par leurs soutiens respectifs, la région pourra enfin s’engager sur le chemin de la paix. Mais encore faudra-t-il qu’à la suite de ce dernier accord on puisse observer un véritable changement de la donne entre les deux pays. Après une demi-douzaine d’accords dûment signés par les deux chefs d’Etat et non respectés, qui nous dit que cette fois-ci sera la bonne ?
D’autant que les deux « bandits chef », principaux protagonistes de ce tragique western, sont encore aux affaires et prêts à déterrer la hache de guerre. Or, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on ne peut présager de rien et surtout pas d’une paix durable au Darfour. Il faut donc croire que deux bandits chef ne peuvent cohabiter dans le même western. Ainsi, Idriss Deby Itno et Omar El-Béchir se serrent la main pour la énième fois… et nous croisons les doigts.
H. Marie Ouédraogo
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