La crise du « subprime » s'est transformée en une crise économique majeure. Selon les prévisions du Fonds monétaire internationale, la croissance des pays riches sera négative en 2009, tant en Europe qu'aux Etats-Unis. L'ensemble des pays émergents devrait également connaître une décélération, passant d'une croissance proche de 8 % dans les années précédant la crise, à 5 % en 2009.
Le FMI est prudemment optimiste pour l'Afrique subsaharienne, notant que le continent est peu intégré aux circuits financiers internationaux, et qu'il dépend surtout de l'aide internationale pour son financement. D'un autre côté, l'Afrique sera fortement affectée par la détérioration du prix des matières premières. Au total, selon les dernières prévisions du Fonds, les perspectives de croissance pourraient être de 4,7 % au cours de 2009, contre 6 % avant la crise, soit une décélération moindre que dans les autres régions.
Si les prévisions du FMI restent sans doute teintées d'un trop grand optimisme, l'idée générale qui les sous-tend est juste. L'Afrique n'est plus le parent pauvre de la croissance mondiale. Depuis le milieu des années 1990, les perspectives de croissance semblent avoir été ressuscitées sur le continent. La décennie 1995-2005 marque une rupture très nette. Au cours de la décennie précédente, la croissance du revenu par habitant avait été négative, - 0,2 % en moyenne. Elle s'élève à 1,9 % au cours de la décennie 1995-2005. Ce sont des chiffres qui restent faibles en comparaison des moyennes observées en Asie, mais qui marquent une rupture nette et indiscutable pour le continent lui-même. A l'échelle des pays, d'ailleurs, bon nombre réussissent des performances dignes des meilleurs niveaux asiatiques.
La croissance nouvelle a été certes portée par la découverte de nouvelles ressources pétrolières (Soudan, Tchad, Guinée équatoriale, Angola), mais pas seulement. La croissance des pays importateurs a également connu une forte accélération. Des réformes significatives ont été menées (Ghana, Ethiopie, Bénin, Mali, Malawi, Mozambique, Sénégal et Tanzanie). Le succès de ce second groupe s'est produit alors même que ces pays n'enregistraient pas d'amélioration de leurs termes de l'échange. Les pays qui n'ont pas participé à ce rebond de la croissance sont ceux où l'instabilité politique a ruiné les perspectives de croissance, la Côte d'Ivoire ou le Zimbabwe venant en tête.
Selon les indicateurs macroéconomiques habituels, qu'il s'agisse de l'inflation, du déficit budgétaire, de la dette extérieure, la situation africaine s'est nettement améliorée. A l'exception du Zimbabwe, tous les pays africains étaient parvenus à maîtriser leur rythme d'inflation, avant du moins la flambée récente des prix alimentaires. Le déficit budgétaire est en moyenne en deçà du seuil de 3 %. Dans le cas des pays exportateurs de pétrole, les excédents budgétaires sont considérables, et s'élèvent à 8 % du PIB en moyenne. La dette extérieure, enfin, sous l'effet des politiques d'annulation entreprises depuis l'initiative PPTE (Pays pauvres très endettés) et qui ont culminé avec l'initiative MDRI (Multilateral Debt Relief Initiative) est revenue à ses plus bas niveaux depuis le début des années 1970.
Sur le front politique, l'instabilité domestique et les conflits armés marquent aussi une régression notable. Ceci se traduit par une baisse de la volatilité interne de ces économies et une hausse de l'investissement, lequel a atteint le chiffre moyen de 22 % en 2007. On reste, ici encore, loin des performances asiatiques, mais le chiffre est très significativement au-dessus des niveaux passés. L'Afrique s'est mise en ordre de marche pour mieux profiter de la mondialisation. Comparativement à la Chine dont la population va vieillir dans les cinquante prochaines années, l'Afrique restera (longtemps encore) un continent jeune. Sa pauvreté, legs des quatre décennies perdues, signifie qu'elle bénéficie d'un avantage de coût, pour les secteurs exportateurs.
La crise annoncée constituera un test clef de la résilience nouvelle de la croissance africaine. Par le passé, les booms africains se sont souvent soldés par une inflation galopante et des déséquilibres extérieurs. L'Afrique a montré au cours de la dernière décennie que ce n'était plus le cas. Mais les récessions touchent aussi, habituellement, le continent plus durement qu'ailleurs. C'est le test qui est aujourd'hui en cours.
Comme le signale le FMI, la crise financière aura un moindre impact en Afrique qu'ailleurs, dans la mesure où le continent compte davantage sur les donateurs que sur les marchés pour financer son investissement. Mais les donateurs, qui incluent les travailleurs migrants, seront eux aussi affectés par la crise. Pour les pays riches, la tentation de réduire l'aide publique au développement sera forte. Par le passé, celle-ci a toujours été un facteur erratique, contribuant pour une part non négligeable à la volatilité des ressources extérieures de l'Afrique. Il est temps, à l'heure de la crise, que l'aide devienne contra-cyclique ! L'Agence française de développement a mis au point un type nouveau de prêt permettant à un pays de suspendre le service de sa dette en cas de récession. La crise doit aussi permettre de mobiliser la communauté des donateurs sur de tels efforts.