14 novembre 2008
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Koffigan E. Adigbli
DAKAR, 14 nov (IPS) - Au cours des deux dernières décennies, les inscriptions dans les institutions supérieures en Afrique ont augmenté considérablement, tandis que les allocations des Etats africains au sous-secteur de l'enseignement supérieur n'atteignent pas 20 pour cent des budgets alloués à l'éducation.
Ce constat a été fait par le ministre de l'Enseignement supérieur d'Afrique du Sud, Nadeli Pandor, au cours d'une conférence régionale tenue de lundi à jeudi à Dakar, au Sénégal, sur le thème "Nouvelles dynamiques de l'enseignement supérieur et de la recherche : stratégies pour le changement et le développement".
Pourtant, personne ne doute du rôle de l'enseignement supérieur dans le développement d'un Etat, a indiqué Pandor. Ensuite, étant donné l'impact de l'enseignement supérieur dans le développement durable et la lutte contre la pauvreté, la croissance économique et l'amélioration du niveau de vie général des populations sont déterminantes pour le développement du continent africain, a ajouté le ministre sud-africain.
Les acteurs, partenaires et décideurs, venus de tout le continent africain, participer à la rencontre, ont posé les jalons d'un cadre stratégique de développement du sous-secteur de l'enseignement supérieur pour les 10 prochaines années, en rapport avec les impératifs du développement durable. Elle a été organisée par le bureau régional de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) en partenariat avec le ministère de l'Enseignement supérieur du Sénégal.
Ce cadre stratégique consiste notamment à impulser une nouvelle dynamique comme l'assurance qualité, la recherche et l'innovation, et à apporter des changements capables de rendre plus efficace le sous-secteur de l'enseignement supérieur en Afrique. "Si des progrès significatifs et encourageants ont été réalisés grâce au travail des chercheurs, l'Afrique est loin d'atteindre la masse critique pour son développement", reconnaît le Premier ministre du Sénégal, Hadjibou Soumaré, venu présider la rencontre.
Le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche du Togo, Messan Adimado Aduayom, estime que les effectifs dans les universités en Afrique s'accroissent de façon exponentielle, mais que les moyens restent insuffisants. "Par exemple au Togo, entre 1990 et 2007, les effectifs ont été multipliés par six, mais les infrastructures ne suivent pas", déclare-t-il à IPS.
Aduayom, affirme que son pays a fait des efforts depuis 2005 dans le domaine de l'enseignement supérieur et dans la recherche en allouant des fonds pour réhabiliter les infrastructures. En terme de ratio, indique-t-il, le Togo a 640 étudiants pour 100.000 habitants, alors que dans la sous-région, le ratio est de 400 pour le même nombre d'habitants.
Gustave Kabré, professeur à l'Université de Ouagadougou, au Burkina Faso, a indiqué : "Au niveau du continent, les universités se sont multipliées. Au Sénégal, elles sont passées de deux universités à six; au Burkina Faso d'une université à trois universités, en Côte d'Ivoire de deux universités à quatre; et au Bénin d'une université à deux dont une en construction".
Pendant ce temps, "le nombre des étudiants dans l'enseignement supérieur est passé de 5,6 à 8 millions entre 2000 et 2004", explique-t-il à IPS. "Dans de telles conditions, environ 20 millions d'étudiants pourraient frapper aux portes de l'enseignement supérieur en Afrique en 2015 dont 9,4 millions dans les pays les plus pauvres de la région".
Selon le dernier rapport de l'UNESCO publié en octobre, le Burkina Faso, le Burundi, la République centrafricaine, le Tchad et le Niger devraient scolariser en moyenne dix fois plus d'élèves en 2020 afin d'assurer un enseignement secondaire universel à leur population.
A l'inverse, selon le même rapport, des pays comme le Swaziland, le Ghana, la Gambie, le Lesotho, le Bénin et le Togo, auront moins d'effort à fournir, mais ils devront tout de même multiplier par deux ou trois le nombre de places pour leurs étudiants dans l'enseignement supérieur.
Noureini Tidjani Serpos, sous-directeur général pour l'Afrique de l'UNESCO, a expliqué que des organisations et des pays, dont la Banque africaine de développement (BAD) et la France, s'investissent financièrement pour relever les défis au niveau de l'enseignement supérieur dans les Etats africains.
"La BAD a beaucoup soutenu l'enseignement supérieur en ayant mobilisé 140 millions de dollars et 60 autres millions de dollars pour la période 2009-2011", confirme la vice-présidente de la BAD, Zeinab El Bakri. "Mais il faut aussi une plus grande implication des femmes afin de pallier les insuffisances qui ont pour noms, entre autres, l'absence de masse critique de personnels qualifiés", souligne-t-elle, invitant les pays africains à procéder à des réformes nécessaires pour créer des centres d'excellence.
Comme la BAD, le soutien de la France aux universités africaines et aux organisations spécialisées dans l'éducation, n'a jamais fait défaut, affirme, pour sa part, Christophe Ruffin, ambassadeur de France au Sénégal. "L'appui de la France s'articule autour des pôles d'excellence à vocation régionale, soutien à la mise en place du système Licence maîtrise doctorat (LMD), et à l'aide de la mobilité des étudiants africains, notamment en master et doctorat; puisque 20 pour cent des étudiants étrangers en France viennent d'Afrique subsaharienne", explique Ruffin à IPS.
"Le besoin en financement annuel moyen pour l'ensemble de 30 pays d'Afrique varie entre 515 et 583 millions de dollars par an entre 2005 et 2015, selon les modalités de financement. Ce qui montre qu'à l'échelle des 30 pays, l'ampleur du besoin en financement incite l'Union européenne à réfléchir à d'autres alternatives de financement", a-t-il ajouté.
La réduction drastique des ressources financières qui étaient consacrées au sous-secteur et le rétrécissement considérable du corps des enseignants et chercheurs des institutions de l'enseignement supérieur en Afrique, ont favorisé le phénomène récurrent de la fuite des cerveaux vers des régions du monde où le ciel est plus clément, selon Anne Thérèse Dong Jatta, directrice du bureau régional de l'UNESCO pour l'éducation en Afrique, basé à Dakar.
''L'université n'est pas destinée à ceux qui n'ont besoin de rien, mais plutôt à ceux qui ont besoin de tout. Cependant, l'enseignement universitaire intègre difficilement en Afrique les préoccupations des étudiants'', souligne Dong Jatta. ''Et les gouvernants ne cherchent pas souvent à inverser la tendance et combattre ainsi l'ignorance de l'environnement socio-économique dans laquelle sont bâtis les systèmes universitaires du continent'', se désole-t-elle.
La réunion de Dakar s'est tenue en prélude à la conférence mondiale sur l'enseignement supérieur prévue à Paris en juillet 2009. (FIN/2008)
DAKAR, 14 nov (IPS) - Au cours des deux dernières décennies, les inscriptions dans les institutions supérieures en Afrique ont augmenté considérablement, tandis que les allocations des Etats africains au sous-secteur de l'enseignement supérieur n'atteignent pas 20 pour cent des budgets alloués à l'éducation.
Ce constat a été fait par le ministre de l'Enseignement supérieur d'Afrique du Sud, Nadeli Pandor, au cours d'une conférence régionale tenue de lundi à jeudi à Dakar, au Sénégal, sur le thème "Nouvelles dynamiques de l'enseignement supérieur et de la recherche : stratégies pour le changement et le développement".
Pourtant, personne ne doute du rôle de l'enseignement supérieur dans le développement d'un Etat, a indiqué Pandor. Ensuite, étant donné l'impact de l'enseignement supérieur dans le développement durable et la lutte contre la pauvreté, la croissance économique et l'amélioration du niveau de vie général des populations sont déterminantes pour le développement du continent africain, a ajouté le ministre sud-africain.
Les acteurs, partenaires et décideurs, venus de tout le continent africain, participer à la rencontre, ont posé les jalons d'un cadre stratégique de développement du sous-secteur de l'enseignement supérieur pour les 10 prochaines années, en rapport avec les impératifs du développement durable. Elle a été organisée par le bureau régional de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) en partenariat avec le ministère de l'Enseignement supérieur du Sénégal.
Ce cadre stratégique consiste notamment à impulser une nouvelle dynamique comme l'assurance qualité, la recherche et l'innovation, et à apporter des changements capables de rendre plus efficace le sous-secteur de l'enseignement supérieur en Afrique. "Si des progrès significatifs et encourageants ont été réalisés grâce au travail des chercheurs, l'Afrique est loin d'atteindre la masse critique pour son développement", reconnaît le Premier ministre du Sénégal, Hadjibou Soumaré, venu présider la rencontre.
Le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche du Togo, Messan Adimado Aduayom, estime que les effectifs dans les universités en Afrique s'accroissent de façon exponentielle, mais que les moyens restent insuffisants. "Par exemple au Togo, entre 1990 et 2007, les effectifs ont été multipliés par six, mais les infrastructures ne suivent pas", déclare-t-il à IPS.
Aduayom, affirme que son pays a fait des efforts depuis 2005 dans le domaine de l'enseignement supérieur et dans la recherche en allouant des fonds pour réhabiliter les infrastructures. En terme de ratio, indique-t-il, le Togo a 640 étudiants pour 100.000 habitants, alors que dans la sous-région, le ratio est de 400 pour le même nombre d'habitants.
Gustave Kabré, professeur à l'Université de Ouagadougou, au Burkina Faso, a indiqué : "Au niveau du continent, les universités se sont multipliées. Au Sénégal, elles sont passées de deux universités à six; au Burkina Faso d'une université à trois universités, en Côte d'Ivoire de deux universités à quatre; et au Bénin d'une université à deux dont une en construction".
Pendant ce temps, "le nombre des étudiants dans l'enseignement supérieur est passé de 5,6 à 8 millions entre 2000 et 2004", explique-t-il à IPS. "Dans de telles conditions, environ 20 millions d'étudiants pourraient frapper aux portes de l'enseignement supérieur en Afrique en 2015 dont 9,4 millions dans les pays les plus pauvres de la région".
Selon le dernier rapport de l'UNESCO publié en octobre, le Burkina Faso, le Burundi, la République centrafricaine, le Tchad et le Niger devraient scolariser en moyenne dix fois plus d'élèves en 2020 afin d'assurer un enseignement secondaire universel à leur population.
A l'inverse, selon le même rapport, des pays comme le Swaziland, le Ghana, la Gambie, le Lesotho, le Bénin et le Togo, auront moins d'effort à fournir, mais ils devront tout de même multiplier par deux ou trois le nombre de places pour leurs étudiants dans l'enseignement supérieur.
Noureini Tidjani Serpos, sous-directeur général pour l'Afrique de l'UNESCO, a expliqué que des organisations et des pays, dont la Banque africaine de développement (BAD) et la France, s'investissent financièrement pour relever les défis au niveau de l'enseignement supérieur dans les Etats africains.
"La BAD a beaucoup soutenu l'enseignement supérieur en ayant mobilisé 140 millions de dollars et 60 autres millions de dollars pour la période 2009-2011", confirme la vice-présidente de la BAD, Zeinab El Bakri. "Mais il faut aussi une plus grande implication des femmes afin de pallier les insuffisances qui ont pour noms, entre autres, l'absence de masse critique de personnels qualifiés", souligne-t-elle, invitant les pays africains à procéder à des réformes nécessaires pour créer des centres d'excellence.
Comme la BAD, le soutien de la France aux universités africaines et aux organisations spécialisées dans l'éducation, n'a jamais fait défaut, affirme, pour sa part, Christophe Ruffin, ambassadeur de France au Sénégal. "L'appui de la France s'articule autour des pôles d'excellence à vocation régionale, soutien à la mise en place du système Licence maîtrise doctorat (LMD), et à l'aide de la mobilité des étudiants africains, notamment en master et doctorat; puisque 20 pour cent des étudiants étrangers en France viennent d'Afrique subsaharienne", explique Ruffin à IPS.
"Le besoin en financement annuel moyen pour l'ensemble de 30 pays d'Afrique varie entre 515 et 583 millions de dollars par an entre 2005 et 2015, selon les modalités de financement. Ce qui montre qu'à l'échelle des 30 pays, l'ampleur du besoin en financement incite l'Union européenne à réfléchir à d'autres alternatives de financement", a-t-il ajouté.
La réduction drastique des ressources financières qui étaient consacrées au sous-secteur et le rétrécissement considérable du corps des enseignants et chercheurs des institutions de l'enseignement supérieur en Afrique, ont favorisé le phénomène récurrent de la fuite des cerveaux vers des régions du monde où le ciel est plus clément, selon Anne Thérèse Dong Jatta, directrice du bureau régional de l'UNESCO pour l'éducation en Afrique, basé à Dakar.
''L'université n'est pas destinée à ceux qui n'ont besoin de rien, mais plutôt à ceux qui ont besoin de tout. Cependant, l'enseignement universitaire intègre difficilement en Afrique les préoccupations des étudiants'', souligne Dong Jatta. ''Et les gouvernants ne cherchent pas souvent à inverser la tendance et combattre ainsi l'ignorance de l'environnement socio-économique dans laquelle sont bâtis les systèmes universitaires du continent'', se désole-t-elle.
La réunion de Dakar s'est tenue en prélude à la conférence mondiale sur l'enseignement supérieur prévue à Paris en juillet 2009. (FIN/2008)